24.11.10

Cargo

Bientôt il fera froid dans l'espace, les lumières faites de néons disparaitront et laisseront place à des nuages de vapeurs que l'Homme expirera dans l'obscurité.

Cargo, Space is cold, film suisse allemand, réalisé par Ivan Engler et Ralf Etter nous offre des lendemains polaires dans l'immensité d'un espace vide.

Nous sommes donc en 2267, dans une gigantesque station spatiale en orbite au dessus de la Terre, où les hommes encore en vie survivent tant bien que mal, entassés les uns sur les autres dans des salles d'attente où le froid règne en maitre absolu. La modernité si chère à la science fiction ne se fait ressentir qu'à travers des écrans plats omniprésents et des appareils de communication étonnamment peu surpuissants: le Monde, où l'espèce humaine, n'a donc que peu évolué. Comme souvent le thème de départ est cette absence d'un chez soi comme nous le connaissons. La Terre est inhabitable, une multi-nationale commande dorénavant les décisions politiques et les futurs étapes de la destinée humaine. Les ingrédients sont là, on peut s'installer confortablement, poser son bock de pop-corn et se laisser transporter.

Passé la surprise de la langue allemande comme voix originale, on découvre l'histoire du film. Laura, médecin, veut rejoindre sa soeur partie vivre sur une planète lointaine qui ressemble à la Terre, Rhea. Comme un signe, les rares images de ce paradis perdu sont celles d'un automne aux couleurs dorées, avant que l'hiver ne sévisse, comme un clin d'oeil aux réfugiés qui veulent tous s'echapper non pas vers des lendemains chantants mais vers un passé disparu. Les hommes n'ont plus d'avenir dans cette branche du possible, seul le retour aux fondamentaux de la vie leur sera salvateur. Fiction ? Rien n'est moins sur.

Notre héroine s'embarque sur un immense vaisseau spatial cargo avec quelques membres d'équipage. Le trajet allé-retour, d'une durée de 4 ans, devra lui permettre de payer le voyage vers Rhea et rejoindre sa soeur. Une grande partie du trajet se fera plongé dans un sommeil cryogène. Chaque membre devant surveillé le vaisseau pendant 4 mois d'affilés, seul dans le froid. Évidemment le vaisseau n'est pas vide, et le jeu du chat et de la souris commence. L'angoisse monte lentement et le froid se transmet. La fin du film propose une réflexion sur les motivations des hommes: ce qui nous pousse chaque jour à nous lever, à faire quelque chose de notre vie alors que celle ci est vouée à finir tôt ou tard, retourner au néant.

L'idée que le bonheur puisse être artificiel se heurte à notre volonté de vouloir dominer et contrôler. L'espece humaine à toujours voulu sortir de son statut animal et s'affranchir des limites de cette condition. Tout dans notre développement à toujours été orienté vers cette idée que le contrôle était le stade absolu de l'homme, l'idée même de la liberté est celle du contrôle, le refus d'être dépendant de ce que la Terre ou toute autre personne a à nous offrir. La question qu'on peut se poser, après avoir vu ce film, où d'autres, après avoir appris que le Père Noël n'existait pas, ou même en repensant à cette chèvre si naïve mais si forte : le prix de la liberté et du bonheur n'est il pas celui de l'ignorance ?

"Heureux les simples d'esprits" disait Sinsemilia dans une de leurs chansons, heureux Amine qui chérissait son barbecue en plein désert, heureuse la soeur de notre héroïne.

Toutefois la vérité semble plus forte pour Laura. Elle décide de refuser ce paradis et de se battre pour un meilleur monde à dessein de tous. En apprenant toutes les facettes de la vérité elle arrive à saisir l'essence même de son être et réalise que l'épanouissement de sa personne ne peut que passer par un retour a ses racines, celles qui réduisent la liberté apparente mais qui permettent de bâtir une vie, un chez-soi et, d'une certaine manière, de la rendre humaine. On se demande si son choix est le bon, si nous même aurions fait le même geste, sommes nous suffisamment forts ?

Une perle de la science fiction, difficile à trouver, mais qui se déguste avec plaisir.

L'ourson blanc de l'espace vous salue.