17.12.10

Exit Through The Gift Shop

Exit through the gift shop fait référence aux messages placardés sur les attractions de Disney Land où les sortie de secours mènent vers ces petites boutiques. Symbole de la mondialisation, du capitalisme et de la dictature de l'image. Clin d'oeil à Simulacres et simulation de Jean Baudrillard, où l'origine d'une oeuvre, ce qu'elle représente, n'a plus d'importance, seul sa valeur fictive, qu'elle soit monétaire ou imaginaire, compte. Tel est en sorte ce que dénonce ce film.

Pour ce faire Banksy, le street artist, connu pour avoir placardé des affiches dans toutes les grandes villes du monde et tagué le mur de Jérusalem, raconte sous forme de documentaire la genèse d'un mouvement dissident jusqu'à son apothéose. Afin de resté dans l'anonymat et de ne pas prendre toute la couverture du film il propose de suivre un étrange personnage, un Français résidant à Los Angeles : Thierry Guetta, comme le fameux DJ. Ce gentil personnage à l'accent Français très prononcé et aux pattes fort proéminentes est ce qu'on pourrait appeler un papa-caméscope compulsif. Il filme tout, tout le temps. Ses enfants, sa femme, les passants, la rue, son boulot, les quelques stars qu'il croise dans la rue et son cousin qui fait de drôles de mosaïques a l'effigie des fameux "space invaders."

Cette dernière rencontre est le point de départ du film à proprement parlé. Thierry Guetta, total étranger au monde de l'art, trouve enfin quelque chose qui vaille le coup d'être filmé, il découvre un but, un objectif dans sa pathologie compulsive. Une petite rétrospective sur son enfance nous explique pourquoi notre héros a ce besoin. Sa mère disparaît lorsqu'il a 11 ans, il est tout de suite retiré du foyer et recueilli chez ses cousins ou il grandira avec très peu de souvenirs de sa mère. Pour éviter la même situation à ses enfants, il veut emmagasiner un maximum d'images pour qu'ils ne puissent pas oublier. L'importance de l'image est ici souligner, comme si la réalité ne pouvait exister sans sa représentation, le culte de l'image a sa victime, sa pathologie, elle s'appelle Thierry Guetta.

Se sentant enfin utile il se lance dans la capture d'un maximum d'images de ces jeunes artistes indépendants, différents qui taguent des affiches publicitaires et placardent des images sur des murs gris. Très vite Guetta devient l'ami de ces hommes et femmes. Il parcoure le monde, de ville en ville pour filmer leurs actions. Il les connait presque tous. Il n'en manque q'un seul. Banksy.

Il va finir par le rencontrer, le filmer et devenir son meilleur ami. Banksy, l'ombre, s'associe à Guetta, la lumière. Celui qui faisait de l'art de rue incognito veut tout de même avoir un témoignage, un héritage visuel montrant son oeuvre et ses actions. Banksy lui demandera même au final d'en faire un documentaire retraçant l'histoire du mouvement. Malheureusement Guetta n'est qu'un mouton parmi tant d'autres et ne saura en aucun cas mené à bien cette première mission. Le documentaire est un désastre. L'artiste demande alors de le faire soi-même et propose une deuxième tâche à son fidèle filmeur: devenir à son tour un artiste de la rue.

Ni une ni deux Guetta se lance dans cette nouvelle activité. Très vite on se rend compte qu'il n'est pas un artiste, mais un simple copieur. Reprenant le travail d'autres artistes il y ajoute des taches pour en faire des oeuvres d'art, demande à ses assistants de photoshoppés des publicités déjà existantes ou encore tombe d'une échelle alors qu'il tague un mur. Il ne sait rien faire et a besoin d'aide pour tout. Pourtant il réussi à mettre sur pied une gigantesque exposition qui lui rapportera plus d'un million de dollars en une soirée. Le paroxysme de ce film, montrant à quel point aucun art ne peut résister à cette matière anti-artistique qu'est l'argent.

A la fin de ce film les notions d'art, de sub-culture ou encore de street art n'ont plus vraiment de sens. Elles se mélangent dans des entrelacs de ramifications, d'exemple et de contre-exemples, qui prouvent et éprouvent des thèses. Il ne reste qu'une question valable : qu'a donc voulu dire Banksy à travers ce vrai-faux documentaire ? Il a peut etre voulu défendre tout ses artistes qui eux aussi dessinent les espaces urbains, l'argent et la reconnaissance n'étant rien, Guetta étant le parfait exemple de non-artiste qui a seulement était opportuniste. Peut etre Banksy a-t-il ici critiqué par la même occasion le rôle qu'ont les médias sur l'art, en le portant à la connaissance d'un public celui-ci est d'emblée dénaturé et ne peut resté dans l'anonymat qui le défini. En effet quel est le rapport entre Space Invaders créant ses mosaïques au fond de son garage pour les accrochés dans la rue et Guetta jetant un coup de bombe au hasard sur 200 images identiques afin de les rendre uniques ? Aucun. L'ironie est palpable. Comme dans toute l'oeuvre de Banksy.

On se demande alors si au contraire ce documentaire n'est en fait qu'une simple oeuvre d'art, monté de toutes pièces ce documentaire ne serait peut être qu'un film différent. Il est ce que le street art est à l'ensemble de l'imagerie urbaine. Différent, peu conventionnel et ironique. Prenant la forme d'un documentaire il est déjà en soi un mode d'expression peu répandu comme l'est l'art en milieu urbain. Il est encore moins conventionnel dans le sens où il n'est pas vraisemblable. Il montre à quel point la forme d'une expression artistique peut induire sur sa compréhension, à travers Guetta et à travers le film en lui-même, on comprend à quel point le message ou l'absence de message peut être comprise différemment.

Banksy prend à revers la dictature de l'image et l'absence d'une réalité propre aux humains dénoncées par Baudrillard en créant un film qui montre la réalité de manière détournée afin que l'on comprenne mieux qu'elle est personnelle et universelle dans son accès.

C'est un Teddy Polar Bear, qui ne sait plus quoi dire, qui vous dit au revoir.

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